Primaires : Objet politique non identifié ?

    Avec près de quatre millions de participants, le premier tour des primaires de la droite et du centre réussit le pari de la mobilisation [1]. À noter que cette technique d’investiture du candidat présidentiel trouve son origine dans la primaire citoyenne effectuée par le Parti socialiste en 2011 qui avait réuni près de trois millions de votants au second tour[2].

Il semble, d’ailleurs, que le deuxième tour dépasse toutes les espérances avec sûrement au moins 4,5 millions de votants couronnant la victoire, désormais inéluctable, de François Fillon. Il y a, dès lors, lieu de penser que les primaires sont entrées définitivement dans le paysage politique français. Une fois un droit donné, il semble en effet difficile de le reprendre. Dessaisissement des partis politiques, ou, au contraire, montée en puissance de ces derniers ? La question reste entière.

 

Avant-propos : Les primaires politiques dans le système de la Vème République

 

     Destinées à consacrer le candidat unique de l’un des deux grands partis de gouvernement à l’élection présidentielle, ces primaires s’inscrivent dans un mouvement de présidentialisation accentuée du régime de la Vème République qui débouche in fine sur la personnalisation, voire la personnification, de ce scrutin majeur. Cette tendance est accentuée par la révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 qui a instauré le quinquennat[3], et qui permet, en outre, à l’élection présidentielle de précéder les élections législatives.

Or, il semble que cette évolution ne correspond ni à l’esprit, ni à la lettre de la Constitution, comme le confirme Michel Debré lors d’un discours devant le Conseil d’État le 27 août 1958, “pas de régime conventionnel, pas de régime présidentiel, la voie qui s’ouvre devant est étroite, c’est celle du régime parlementaire”. Le régime parlementaire évoqué correspond à un parlementarisme rationalisé, éloigné de la funeste partisanisation de la IVème République. Néanmoins, la coïncidence entre les deux élections structurantes de la vie politique renforce d’autant plus le poids des appareils partisans et des systèmes d’alliance électorale.

En effet, la Vème République cherche, à son origine, à se poser comme l’antithèse absolue du régime précédent. Tout d’abord, par contraste, la IVe République est présentée, de manière caricaturale, comme le “régime des partis”, dont les luttes incessantes, l’absence de cohésion interne, les rivalités mutuelles, et le désintérêt général, ont contribué à son éclatement en 1958. A contrario, le discours de Bayeux du général de Gaulle, prononcé le 16 juin 1946, présente l’idée d’un exécutif fort, détaché de l’influence partisane assimilée aux factions.

Pour autant, l’ampleur politique que les élections présidentielles ont prises, par la suite, a favorisé leur appropriation par des appareils partisans forts et structurés. Ces derniers retrouvent alors paradoxalement une place fondamentale dans le jeu politique de la Vème République. L’assimilation de ces nouveaux enjeux par les organes dirigeants des partis a entraîné une compétition féroce pour l’investiture officielle à l’élection présidentielle, préalable nécessaire, mais non suffisant, pour occuper le poste suprême. Les procédés de désignation de ces candidats ont alors vu leur importance fortement amplifiée.

Dépossession des appareils partisans de leur capacité naturelle à imposer un candidat, ou re-politisation de la société civile, attentive aux nouveaux courants démocratiques (participative, délibérative, directe, d’opinion …), les primaires suscitent d’emblée de nombreuses interrogations.

Ni imposées institutionnellement, ni “coutume constitutionnelle” de l’histoire politique française, ces primaires ne pourraient-elles pas alors être envisagées, suivant l’expression de Jacques Delors, comme un “objet politique non identifié” ? En d’autres termes, quelle est la place, singulière, des primaires dans l’histoire des partis politiques au sein de la Vème République ?

Après avoir considéré la place contrastée des partis politiques au sein des normes fondamentales de la Vème République (I), le phénomène relativement récent des primaires sera examiné au vu de leurs potentiels effets modificateurs sur le champ politique actuel (II).

 

I- La place contrastée des partis et groupements politiques au sein de la Vème République

 

    Objets de mépris de la part du général De Gaulle, les différents partis du spectre politique français ont su, progressivement, s’adapter aux nouveaux mécanismes institutionnels de la Vème République, comme le démontre l’importance attribuée à la primaire de la droite et du centre par les médias. Aussi, il est nécessaire de reprendre l’évolution de la position occupée par les partis politiques au sein des normes fondamentales (A), avant de pouvoir démontrer leur influence en ce qui concerne la pratique des institutions par les acteurs politiques (B).

Ainsi, comme le remarquait le professeur Jean-Claude Colliard[4], “l’action de la Constitution sur les partis et l’action des partis sur la pratique de la Constitution se répondent”.

 

  1. L’évolution déterminante de la position des parties dans les normes fondamentales

 

    D’une part, en ce qui concerne leur objectif, les “partis et groupements politiques” sont évoqués de manière lapidaire dans le bref premier alinéa de l’article 4 de la Constitution qui dispose qu’ils “concourent à l’expression du suffrage”. Formule vague, cette reconnaissance de leur existence est bien minime ; les partis politiques, au sein d’autres éléments indéterminés, ont ainsi comme fonction de faciliter le choix des gouvernants politiques par le peuple. Les partis et groupements politiques évolueront néanmoins en véritables coordinateurs de ce choix, principalement en ce qui concerne l’élection présidentielle ; coordination actuellement assurée par le procédé de la primaire.

En ce qui concerne leur formation, le premier alinéa rappelle le principe de liberté. Néanmoins, cette liberté se réalise sous réserve du respect des “principes de la souveraineté nationale et de la démocratie”, présents dans le premier article de la Constitution. Bien que ce rappel puisse paraître redondant, il est nécessaire de se reporter aux débuts mouvementés de la Vème République.

Les partis de gauche, SFIO et PCF, s’étaient fortement opposés à la Constitution rédigée selon les intentions présidentialistes de De Gaulle. Ainsi, le PCF affirmera dans sa résolution du XVIe Congrès tenu entre les 11 et 14 mai 1961 que “le pouvoir gaulliste exprime donc les vues et la politique du capital monopolistique. Il porte en lui les menaces du fascisme. Voilà ce qu’il importe de ne jamais perdre de vue sous peine de désorienter dangereusement la lutte des forces démocratiques” [5]. À la différence de l’article 21 de la Loi fondamentale allemande de 1949, aucun système de contrôle du respect de cette réserve n’a été institué par la Constitution de 1958, et ce malgré une idée avancée dans les travaux préparatoires à son élaboration[6] .

D’autre part, l’article utilise l’expression de “partis et groupements politiques”, indiquant implicitement une différence de nature entre ce qui constituerait un parti politique et un groupement politique. Pour autant aucune indication ultérieure ne permet de préciser cette dualité d’appellation, d’autant plus préjudiciable que la qualification de parti politique donne droit au financement public des campagnes électorales, selon les termes de la loi du 11 mars 1988 modifiée par la loi du 15 janvier 1990.

Les prémices d’une définition d’un parti politique ont été avancées par l’arrêt du Conseil d’État du 30 octobre 1996, Élections municipales de Fos-sur-Mer. Selon cette décision, une association de droit privé à but politique ne peut être désignée comme parti politique que si elle relève des dispositions de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence de la vie publique, le caractère tautologique de cette affirmation ne pouvant être que souligné.

La loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 vient rajouter une fonction particulière aux partis politiques qui doivent contribuer à la mise en œuvre de “l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives”, selon le second alinéa de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958. La révision du 23 juillet 2008 complète cette proposition par l’égal accès “aux responsabilités professionnelles et sociales” [7]. Les partis sont ainsi appelés et encouragés à jouer un rôle social et sociétal complémentaire à leur activité politique.

 

2. L’influence marquante des partis sur la pratique institutionnelle des acteurs politiques

 

    Il est nécessaire de s’apercevoir que, a contrario, les partis politiques ont joué un rôle majeur dans le mécanisme de présidentialisation du régime de la Vème République. Les primaires mises en place par la gauche en 2011, puis par la droite et le centre en ce mois de novembre 2016, ne sont que l’une des conséquences logiques de ce mécanisme.

Par la loi constitutionnelle du 6 novembre 1962, le général De Gaulle parvient à instaurer l’élection au suffrage universel direct du président de la République, consacrée au sein de l’article 6[8]. De même, est prévu un mode de scrutin majoritaire à deux tours avec l’article 7 alinéa 1[9], le deuxième tour ne pouvant réunir que les deux candidats arrivés en tête au premier tour. Or, toujours, dans l’esprit gaulliste, ce mode de scrutin est principalement destiné à conférer au président de la République élu une légitimité incontestable, grâce à l’onction populaire du suffrage universel. Le président apparaît alors comme un arbitre situé “au-dessus des partis”[10].

Pour autant ce mécanisme a été entièrement détourné de son but. Initialement élection-approbation, au sens fort du terme, le scrutin présidentiel fait aujourd’hui l’objet d’une compétition acharnée entre les différents acteurs politiques. Une des premières manifestations de ce phénomène constitue le ballottage au second tour du général De Gaulle lors de l’élection présidentielle de 1965, première à être effectuée avec le nouveau mode de scrutin. Cette élection l’opposait à François Mitterrand, candidat unique de la gauche, et Jean Lecanuet, candidat centriste du MRP. Persuadé de sa victoire, le général de Gaulle n’annonce sa candidature que tardivement et ne rentre véritablement en campagne politique que dans les derniers mois de celle-ci. Bien que réélu au second tour avec près de 55% des voix, le général De Gaulle assiste au début de la partisanisation des élections présidentielles.

Ces dernières constituent l’enjeu fondamental dans la lutte des partis politiques pour la conquête du pouvoir. De plus, la loi organique du 18 juin 1976, révisée dernièrement par la loi organique du 25 avril 2016, vient compléter la mainmise des partis sur ce scrutin et impose la signature de 500 élus dans trente départements ou collectivités assimilées. Ce préalable nécessaire implique implicitement un maillage territorial détenu exclusivement par les partis politiques les plus importants.

En même temps que le déroulement de l’élection présidentielle, l’importance prise par les partis politiques vient bouleverser l’équilibre imposé par le texte de la Constitution du 4 octobre 1958. L’appropriation par l’appareil partisan de l’élection présidentielle, marquée notamment par le cumul des fonctions de chef de parti et de président de la République, a permis à ces derniers d’évincer le Premier ministre, pourtant véritable chef de gouvernement au sens de l’article 21 de la Constitution ; jusqu’à considérer celui-ci comme un simple “collaborateur” sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Une convention de la Constitution[11], ou coutume constitutionnelle, s’impose et autorise une interprétation particulière de l’article 8 alinéa 1[12], en permettant au président de nommer et révoquer librement le Premier ministre en période de concordance avec la majorité parlementaire. Aussi, l’originalité de la Vème République repose bien plus sur la relation entre le président de la République et le parti au pouvoir que sur son élection au suffrage universel direct, dispositif présent dans de nombreux autres pays et Constitutions étrangères, mais ne donnant pourtant pas le même résultat institutionnel.

Or, il est possible que l’utilisation de primaires, pour désigner le candidat partisan à l’élection présidentielle, vienne rompre le lien particulier unissant le président de la République et son parti politique. Par conséquent, des interrogations pourraient alors émerger en ce qui concerne l’influence des primaires sur les pratiques mêmes de l’exercice du pouvoir sous la Vème République.

II- Les potentiels effets modificateurs des primaires sur le champ politique

 

    Entre présidentialisation des partis et partisanisation des élections, l’émergence récente de primaires ouvertes peut venir bouleverser fondamentalement le cadre de la conquête du pouvoir sous la Vème République. Tout d’abord, la possibilité accordée à l’ensemble des électeurs français de désigner, à la suite d’un scrutin majoritaire, uninominal à deux tours, le candidat d’un parti aux élections présidentielles constituerait une preuve de démocratisation, au moins institutionnelle, des partis politiques (A). Le choix des primaires pour la désignation de leurs candidats pourrait, en outre, induire un apparent affaiblissement des partis dans le champ politique (B).

 

  1. Les primaires, une démocratisation institutionnelle des partis politiques

 

    Les professeurs Ferdinand Mélin-Soucramanien et Pierre Pactet, à propos des primaires préalables à l’élection présidentielle américaine, ont affirmé que ce procédé “présente incontestablement un caractère très démocratique” [13].

Appliquées en France, il serait tout autant incontestable d’affirmer que les primaires constituent un outil démocratique, et cela à la simple lecture des dispositions statutaires adoptées par les deux partis politiques pour l’organisation du scrutin.

Aussi, l’article 5.3.1 des statuts du Parti socialiste dispose que “[les] primaires citoyennes [sont] ouvertes à l’ensemble des citoyens”. Les conditions de participation prévoient ainsi que tout citoyen électeur, en âge de voter au moment des élections présidentielles, ou membre des organisations de jeunesse des partis de la primaire, peuvent voter, à charge pour eux d’adhérer à une déclaration de principe portant sur les “valeurs de la République et de la gauche”, et de cotiser un minimum d’un euro destiné aux modalités d’organisation de la primaire.

De la même manière, l’alinéa 1 de l’article 1 de la charte de la primaire de la droite et du centre dispose que le candidat à l’élection présidentielle, soutenu par le parti Les Républicains, sera “désigné à l’occasion d’une primaire ouverte à l’ensemble des citoyens”. Cette charte reprend en majeure partie les conditions de participation évoquées ci-dessus. Les deux partis ont également institué une Haute Autorité chargée de procéder à la bonne organisation du scrutin et de garantir sa sincérité, avec comme président Jean-Pierre Mignard en 2011 pour la primaire de la gauche, et comme présidente Anne Levade en 2016 pour la primaire de la droite et du centre.

Quelles conclusions peuvent alors être tirées de ces similitudes en matière d’organisation du scrutin ?

Tout d’abord, les personnes appelées à participer correspondent à un collège électoral particulièrement large, en témoigne la participation au premier tour de la primaire de la droite et du centre avec plus de quatre millions de votants (soit près de 11% du corps électoral). Cette participation dépasse de loin les simples adhérents aux principales formations politiques intéressées. Le caractère démocratique de ces primaires est alors prouvé par l’ouverture du scrutin à toute la population électorale française.

Ensuite, il est important de souligner la place occupée par les deux hautes autorités dans le bon déroulement, voire le succès, qu’ont rencontré les primaires. Ces organisations s’apparentent, dans le schéma institutionnel existant, aux autorités administratives indépendantes, auxquelles Pierre Rosanvallon attache une légitimité d’impartialité, dans une période d’élargissement de la vie démocratique et d’aspiration à un “régime serviteur de l’intérêt général” [14].

Or, justement, le choix de la procédure des primaires tient à une tentative de relégitimation des partis politiques, et ce à une époque de discrédit de ces derniers, voire plus largement de l’action politique[15]. Ainsi, quel est le type particulier de démocratisation mis en jeu, susceptible de favoriser la légitimité des partis politiques ?

La réponse est ici fournie par Rémi Lefebvre[16] qui décèle un lien entre la “démocratisation partisane” et la “valorisation de la démocratie participative”, définie comme “une ouverture du pouvoir et une plus grande porosité de l’État à l’égard de la société civile”. La plasticité et la largesse de la notion de démocratie participative permettent alors aux partis politiques de différentes tendances idéologiques de s’en prévaloir, bien que la participation active des adhérents à la vie partisane ait historiquement été mise en avant, au moins de manière symbolique, par le PS.

 

2. L’apparent affaiblissement des partis dans le processus politique

 

   Avec un gain potentiel en légitimité, les primaires ouvertes pourraient toutefois faire courir un risque important aux systèmes partisans. Toutefois, des bénéfices importants, tant en ce qui concerne les partis politiques eux-mêmes que leur candidat, sont à escompter d’une telle procédure.

Premier risque, celui de voir échapper la désignation du candidat du parti à l’élection présidentielle. Au niveau international, cet effet s’est concrétisé avec l’élection du républicain Donald Trump en tant 45ème président élu des États-Unis. Donald Trump ne fait pas partie de l’appareil traditionnel du Grand Old Party[17], n’ayant jamais possédé de mandat électif, et ayant plusieurs fois changé d’affiliation entre démocrates et républicains.

Or, la raison d’existence d’un parti politique réside prioritairement dans la conquête pacifique du pouvoir. La réussite d’un tel projet ne constitue pourtant pas, en elle-même, une finalité puisque le parti au gouvernement se doit par la suite de mener à bien certaines mesures issues d’un corpus idéologique défini à la fois dans les statuts du parti et dans les discours de campagne, tracts et slogans du candidat. L’investiture d’un outsider retire au parti politique la possibilité d’influencer sa ligne politique une fois la conquête pacifique du pouvoir achevée. En pareil cas, le rôle de médiateur entre la société civile et les institutions gouvernementales, dévolu traditionnellement aux organisations politiques, est paralysé, si ce n’est entièrement remis en cause.

Deuxième risque, celui de voir émerger des opinions internes réticentes à soutenir le candidat finalement désigné. La compétition engendrée par le débat électoral au sein d’un même appareil partisan entraîne un véritable risque de fracture si l’un des candidats évincés refuse de soutenir son rival gagnant. Le danger réside ici dans une fragmentation, voire possiblement une dissolution. L’unité du parti peut donc être remise en cause durablement.

Bien que les chartes d’organisation des primaires de la gauche, et de la droite et du centre, aient expressément prévu que les membres signataires s’engagent à soutenir publiquement le candidat à l’élection présidentielle, la vie interne du parti risque de se cartelliser entre différentes tendances rivales. Les conflits entre ces dernières pourraient alors être instrumentalisés, et amplifiés par les candidats, et ce dans un objectif de démarcation par rapport à leurs concurrents aux yeux de l’opinion.

Pour autant, les effets modificateurs de l’organisation de primaires ouvertes dans la vie politique française ne peuvent se limiter à un apparent affaiblissement des partis politiques.

D’une part, bien qu’il puisse paraître évident de l’affirmer ainsi, les primaires se déroulent, et ne peuvent que se dérouler, au sein des partis politiques qui en décident à la fois de l’existence, de l’organisation et du fonctionnement, comme le rappelle Anne Levade[18], présidente de la Haute Autorité de la primaire de la droite et du centre.

Ainsi, le choix d’organiser une primaire ouverte pour la désignation du candidat à l’élection présidentielle vient renforcer par lui-même la légitimité des partis politiques dans l’action publique, même si ce choix résulte d’un “mimétisme organisationnel”[19]. Les primaires, principalement dans les plus grandes formations politiques, permettent également de créer un début de mobilisation en faveur du candidat finalement investi par le parti, et ce compte tenu de la couverture médiatique dans les mois qui précédent l’élection présidentielle. Cette médiatisation profite également aux candidats de partis affiliés participant à la primaire. Une conséquence importante de ce scrutin pourrait alors être une simplification politique de l’élection présidentielle, réduite aux seuls candidats désignés par les primaires.

D’autre part, le processus de sélection du candidat officiel permet de juridictionnaliser, si ce n’est civiliser, les rapports de force entre concurrents à l’investiture[20]. La transparence des débats publics, et la formalisation des règles du jeu, pourraient permettre d’éviter, ou réduire, les affrontements particulièrement violents entre tendances, engendrés par les procédés de sélection interne des dirigeants. L’exemple le plus frappant de tels affrontements remonte au congrès de Reims du PS en 2008, durant lequel la désignation de Martine Aubry, en tant que secrétaire générale, a fait l’objet de contentieux entre tendances rivales, débouchant même à des menaces de recours judiciaires.

Finalement, il s’agit moins une disparition que d’une redéfinition du rôle des partis politiques à l’égard de la société civile avec la consécration des primaires ouvertes. “Le parti devient forum” selon Rémi Lefebvre[21], c’est à dire un lieu d’échanges ouvert, non pas avec l’administration interne du parti, mais entre les citoyens et les différents candidats. Cette transformation va de pair avec la mise en avant de la notion de participation active des militants, adhérents, sympathisants, dans la culture politique des partis, qui cherchent ainsi à lutter contre le danger croissant de l’abstention.

 

 

Jean-Patrice Novelli

 

[1]Patrick Roger, “Primaire de la droite : la victoire de la participation”, Le Monde, 21/11/2016.

[2]2,7 millions.

[3]Article 6 de la Constitution du 4 octobre 1958 : “Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.”

[4]Jean-Claude Colliard,“L’action de la Constitution sur les partis politiques”, in  Cinquantième anniversaire de la Constitution française, ouvrage  sous la direction de Bertrand Mathieu, AFDC, 2008, p. 573.

[5]Jean Baudouin, La Constitution de la Cinquième République, “L’assimilation relative de la Constitution de 1958 par le Parti communiste français”, RFSC, 1984, www.persee.fr.

[6]Francis Hamon et Michel Troper, Droit constitutionnel, 34e édition, p. 50.

[7]Article 1 alinéa 2 : “La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales”.

[8]cf supra. 

[9]Article 7 alinéa 1 : “Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour de scrutin, il est procédé, le quatorzième jour suivant, à un second tour. Seuls peuvent s’y présenter les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour.”

[10]Charles de Gaulle, Discours de Bayeux, 16 juin 1946.

[11]Pierre Avril, Les conventions de la constitution: normes non écrites du droit politique, PUF, 1997.

[12]“Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.”

[13]Ferdinand Mélin-Soucramanien et Pierre Pactet, Droit constitutionnel, 34e édition, n.568, p. 225.

[14]Pierre Rosanvallon, La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité, éditions Points, 2008, p.15.

[15]cf expérience de Coleman, citée dans Pierre Rosanvallon, supra p.137-138.

[16]Rémi Lefebvre et Antoine Roger, Les partis politiques à l’épreuve des procédures délibératives, “Le sens flottant de l’engagement socialiste : Usages et effets de la démocratisation interne au PS”, Presses Universitaires de Rennes, 2009.

[17] Surnom traditionnel du parti républicain.

[18]Anne Levade, “Les primaires en question (I)”, revue Dalloz Constitutions, 2015, p. 325.

[19] op.cit. Rémi Lefebvre.

[20]Yves Poirmeur, Les partis politiques : Du XIXe au XXIe siècle en France, “La transformation des organisations partisanes”, LGDJ, 2014.

[21]Rémi Lefebvre et Antoine Roger, Les partis politiques à l’épreuve des procédures délibératives, “Le sens flottant de l’engagement socialiste : Usages et effets de la démocratisation interne au PS”, Presses Universitaires de Rennes, 2009.

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