Projet d’ordonnance portant réforme du droit des obligations

La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a habilité le Gouvernement à réformer le droit des obligations par voie d’ordonnance (après avis du Conseil Constitutionnel le 12 février 2015).

Le projet d’ordonnance a été dévoilé le 25 février 2015. Il s’inspire très fortement de celui de la Chancellerie de 2013.

Pourquoi cette réforme ?

Les praticiens et auteurs s’accordent à dire que le droit n’est plus dans le Code. La France est un pays de droit codifié et on constate depuis quelques années qu’une partie essentielle du droit des obligations ne se trouve plus dans le Code civil mais dans les solutions jurisprudentielles ou la doctrine. Cette réforme vise donc à codifier ces solutions afin d’améliorer leur lisibilité et leur intelligibilité. Cette simplification vise également à étendre notre modèle juridique à l’international.

Conformément à notre tradition codificatrice, le projet procède donc essentiellement à une codification des solutions jurisprudentielles (jurisprudences Chronopost, Manoukian…) mais également à une réorganisation plus claire du troisième livre du Code civil. De nombreux articles sont donc renumérotés.

Envisageons les principaux apports de ce projet.

  • Droit des contrats

La définition du contrat demeure à l’article 1101 du Code civil mais est simplifiée : « Un contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer des effets de droit ».

La distinction doctrinale entre contrat consensuel, solennel, d’adhésion ou de gré à gré est consacrée.

L’apport le plus notable de la réforme est de codifier les solutions retenues par la jurisprudence en matière de formation du contrat. Actuellement, le Code civil n’envisage que très peu cette étape.

Dans le futur, ce régime pourrait être détaillé aux articles 1111 à 1126-8 nouveaux du Code civil. Sont ainsi codifiés les régimes de l’offre, de l’acceptation, de la promesse unilatérale, du pacte de préférence et une sous-section envisage le cas particulier des contrats conclus par voie électroniques.

D’autres principes jurisprudentiels ont été consacrés comme le principe du consensualisme, le droit à l’exécution en nature, la violence économique, l’obligation générale d’information, la possibilité de réduire le prix en cas d’inexécution imparfaite, la possibilité pour le créancier de résilier unilatéralement le contrat par notification ou encore l’interdiction de prévoir une clause vidant le contrat de sa substance (JP Chronopost).

Des nouveaux principes ont également été affirmés mettant ainsi fin à des débats doctrinaux (JP « canal de Craponne ». C’est le cas pour la théorie de l’imprévision qui est reconnue (article 1196 nouveau) et qui permettra, si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend son exécution excessivement onéreuse pour une partie, de demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Si la renégociation n’aboutit pas, le juge pourra adapter le contrat et mettre fin.

 

Autre bouleversement majeur du droit des contrats : la notion de cause est supprimée des conditions de validité du contrat (article 1127). Pour autant, les solutions fondées sur cette notion sont maintenues (ex : on parle de but illicite et non plus de cause illicite du contrat).

Des nouveaux régimes généraux sont institués pour la représentation (articles 1152 et suivants)) ainsi que pour la nullité et la caducité (articles 1178 et suivants). De même, la notion de clause abusive fait son entrée en droit général des contrats (article 1169).

  • Droit des quasi-contrats

Une nouvelle définition des quasi-contrats est proposée à l’article 1300 qui liste par la même les différentes notions que ce régime recouvre et les envisage dans trois chapitres différents ce qui accroit la lisibilité des règles : « Les quasi–contrats sont des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui.

Les quasi–contrats régis par le présent sous-titre sont la gestion d’affaire, le paiement de l’indu et l’enrichissement injustifié ».

La notion d’enrichissement sans cause est donc renommée « enrichissement injustifié ».

Le régime des différents quasi-contrats est précisé et l’on passe de 10 à 16 articles les régissant. Il s’agit là encore de codification de solutions jurisprudentielles (ex : élargissement du recours à la répétition de l’indu en cas de paiement fait sous la contrainte, modération de l’indemnité de l’appauvri lorsqu’il a commis une faute…).

  • Régime général des obligations

Le régime général des obligations est réorganisé et clarifié au sein d’un titre du même nom comprenant cinq chapitres : modalités, extinctions, actions ouvertes au créancier, modification du rapport d’obligation et restitutions.

En ce qui concerne les modalités, subsistent les distinctions entre les obligations conditionnelles, à terme (dispositions supplémentaires) ou plurales mais sont supprimées les notions de conditions casuelle, potestative et impossible. Par ailleurs, la définition de l’obligation cumulative est insérée en sus de l’obligation alternative déjà existante au sein du Code civil.

Concernant l’extinction de l’obligation, l’article 1234 énumérant les causes est supprimé et les notions de novation, délégation et cession sont déplacées de l’extinction au chapitre sur la modification des obligations. Sont maintenues les autres causes d’extinction (paiement, compensation, impossibilité d’exécuter, remise de dette et confusion).

Un nouveau chapitre regroupe toutes les dispositions relatives aux restitutions.

  • Droit de la preuve

Là encore, il s’agit d’une simplification plus qu’une modification substantielle. Les dispositions sont organisées en trois sections : « dispositions générales » (reprenant les principes de l’actuel article 1315), « admissibilité des modes de preuve » et « des différents modes de preuve ». Les formulations des articles sont clarifiées.

L’acte contresigné par avocat fait son entrée dans les modes de preuve.

Principaux articles qui seraient déplacés :

  • Le principe de force obligatoire de l’article 1134 serait déplacé à l’article 1194
  • Les vices du consentement se trouveraient aux articles 1130 et suivants
  • L’effet relatif des contrats est prévu à l’article 1200
  • Les quasi-contrats seront envisagés aux articles 1300 et suivants (au lieu de1371 et suivants)
  • La responsabilité civile sera déplacée et ne se trouvera plus aux articles 1382 et suivants
PEREIRA-ENGEL Evane

 

 

Elève Avocate – Ecole de formation du Barreau de Paris
M2 IUP Juriste d’entreprise – Université Evry Val d’Essonne
Juriste alternante – Service juridique et fiscal MUTEX

Pour en savoir plus :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.