Temps de trajet des membres du CE et des DP : que prend en charge l’employeur ?


Dans deux arrêts du même jour, la Chambre Sociale rappelle que le temps de trajet effectué en dehors des horaires de travail par un représentant du personnel pour se rendre à une réunion organisée par l’employeur doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail, sans que l’employeur puisse invoquer l’application de l’article L3121-4 du Code du travail.


Lorsqu’il est à l’initiative d’une réunion du comité d’entreprise (CE) ou des délégués du personnel (DP), l’employeur doit indemniser les représentants du personnel de leur frais de déplacement  (Cass. soc., 28 mai 1996, n° 94-18.797P ;  Cass. soc. 10 octobre 2002 n° 01-03.336 pour les membres du CE; Rép. min. à QE no 26766, JOAN Q 15 janv. 1996, p. 271 pour les DP) et rémunérer le temps passé en réunion, sans l’imputer du crédit d’heures de délégation (articles L2325-8 et L2315-11 du Code du travail).

La Chambre Sociale rappelle dans deux arrêts du 12 juin 2013 (n°12-15.064 et 12-12.806) que l’employeur doit également rémunérer comme du temps de travail effectif le temps de trajet effectué en dehors de l’horaire de travail pour se rendre à la réunion organisée à l’initiative de l’employeur dès l’instant qu’il dépasse, en durée, le temps normal de déplacement entre le domicile du salarié et le lieu de son travail.

Elle fonde ces solutions sur les articles L2325-9 et L2325-15 du Code du travail, qui expriment respectivement le principe selon lequel ni le représentant syndical au comité d’entreprise ni le délégué du personnel ne doivent subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de leurs mandat.

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La solution n’est pas nouvelle (Cass. soc. 30 septembre 1997 n° 95-40.125, Cass. soc. 16 avril 2008 n° 06-44.635 et Cass. soc. 18 mai 2011 n° 09-70.878 pour le CE ; Rép. min. à QE no 26766, JOAN Q 15 janv. 1996, p. 271 pour les DP) mais son application dans les deux arrêts du 12 juin 2013 marque le refus d’appliquer l’article L3121-4 du Code du travail issu de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 aux représentants du personnel, soulevé en défense par l’employeur.

Selon cet article s’appliquant à tous les collaborateurs, « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’il en existe ».

Dans la première affaire (Soc. 12 juin 2013, n°12-15.064), l’employeur avait refusé de prendre en charge les heures d’attentes entre divers modes de transport d’un représentant syndical au comité d’entreprise, ne les considérant ni comme un temps de travail effectif ni comme un temps de trajet, et considérant, en application de l’article susvisé, que le temps de trajet dépassant le temps normal entre le domicile et le lieu habituel de travail ne pouvait être considéré comme du temps de travail effectif et ne donnait donc pas lieu à rémunération mais à une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.

Faisant valoir la même argumentation dans la seconde affaire (Soc. 12 juin 2013, n°12-12.806) l’employeur avait refusé de verser des heures supplémentaires au taux majoré à un délégué du personnel.

La Haute Juridiction écarte cependant l’application de cet article et condamne dans les deux affaires l’employeur à verser aux représentants du personnel un rappel de salaire dans la première affaire, décidant que les heures d’attentes constituent bien un temps de travail effectif (Soc. 12 juin 2013, n°12-15.064), et des heures supplémentaires au taux majoré dans la seconde (Soc. 12 juin 2013, n°12-12.806) correspondant à la rémunération de la partie du temps de trajet dépassant, en durée, le temps normal de déplacement entre le domicile du salarié et le lieu de son travail.

Pour rappel :

–      le temps de trajet effectué pendant les horaires de travail pour se rendre à une réunion organisée par l’employeur est considéré comme du temps de travail effectif, sans être imputé sur le crédit d’heures (Cass. soc. 20 février 2002 n° 99-44.760)

–      le temps de trajet effectué hors des horaires de travail ou pendant les horaires de travail pour se rendre à une réunion à l’initiative de moins de la majorité des membres du CE ou des DP est imputable sur le crédit d’heures (Cass. soc., 22 mai 2002, no 99-43.990) ainsi que le temps passé en réunion Cass. soc., 13 nov. 1985, no 82-41.701)

 

Amanda Dias

M2 Juriste d’Entreprise Relations de Travail, Université de Tours (37)

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Pour en savoir plus :

–      art. L2325-8 du Code du travail

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006902060&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20130705&oldAction=rechCodeArticle

–      art. L2315-11 du Code du travail

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006901920&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20130705&oldAction=rechCodeArticle

–      art. L3121-4 du Code du travail

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006902443&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20130705&oldAction=rechCodeArticle

–      Cass. soc. 12 juin 2013, n°12-15.064

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000027551544&fastReqId=2058169560&fastPos=1

–      Cass. soc. 12 juin 2013, n° 12-12.806

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000027551564&fastReqId=1428858975&fastPos=1

–      Cass. soc. 18 mai 2011, n° 09-70.878

–      Cass. soc. 16 avril 2008, n° 06-44.635

–      Cass. soc. 10 octobre 2002, n° 01-03.336

–      Cass. soc. 30 septembre 1997, n° 95-40.125

–      Cass. soc., 28 mai 1996, n° 94-18.797

–      Rép. min. à QE no 26766, JOAN Q 15 janv. 1996, p. 271

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