Ordonnances Macron: les changements du cadre juridique du télétravail

Suite au rapport conjointdu 7 juin 2017 élaboré par les partenaires sociaux dénonçant l’obsolescence des dispositions relatives au télétravail, l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail s’en est fait l’écho et a saisi cette thématique. En effet, une concertation sur le développement du télétravail avait été engagée par les partenaires sociaux début 2017, conformément à la loi du 8 août 2016 (L. n° 2016-1088). Ce rapport a ainsi servi de base de travail à la rédaction de l’article 24 de l’ordonnance consacré au télétravail.

Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur au 24 septembre 2017.
Dans un objectif d’assouplissement et de praticité, l’ordonnance a « dépoussiéré » le cadre juridique du télétravail (I). Elle est également revenue sur les obligations de l’employeur en introduisant désormais une obligation de motivation en cas de refus et en revenant sur l’obligation de prise en charge des coûts (II). Enfin un éclaircissement a été fait quant à la problématique des accidents de travail pour les télétravailleurs (III).

I- Un nouvel encadrement juridique du télétravail

La réglementation sur le télétravail concernait « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail […] est effectué hors de ces locaux de l’entreprise de façon régulière et volontaire ». Désormais, ce critère de régularité a été supprimé de la définition du télétravail. Ainsi le télétravail, qu’il soit effectué de façon régulière ou non, doit être soumis à la réglementation du télétravail. Seule sa mise en place en a été revue pour le télétravail régulier (1) et allégée pour le télétravail occasionnel (2).

1- Organisation du télétravail par un accord collectif ou une charte pour le télétravail régulier
Jusqu’alors, l’employeur pouvait mettre en place le télétravail sans avoir à conclure un accord collectif ou une charte. En effet, un simple accord entre le salarié et l’employeur suffisait, matérialisé par la signature d’un avenant.
Désormais, la mise en œuvre du télétravail nécessite la conclusion d’un accord collectif ou, à défaut, une charte élaborée par l’employeur après avis du Comité Sociale et Economique (CSE). Cet accord doit définir les éléments suivants :
– Les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
– Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
– Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
– La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.
Sauf refus du salarié, les dispositions de l’accord ou de la charte ainsi adopté par l’entreprise se substitueront aux stipulations contraires ou incompatibles des contrats de travail conclus avant le 23 septembre 2017. Le salarié devra faire connaitre son refus à l’employeur dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’accord ou la charte a été communiqué dans l’entreprise.

2- Extension du cadre juridique pour le télétravail occasionnel
En l’absence d’accord collectif ou de charte sur le télétravail, il est possible de recourir au télétravail de manière occasionnelle sur un simple accord entre le salarié et l’employeur. Cet accord est formalisé par tout moyen (Art L. 1222-9 du Code du travail). Il peut donc s’agir d’un avenant au contrat, comme d’un courriel. Le plus important étant de pouvoir établir un moyen de preuve.
Outre les conditions de mise en place qui sont assouplies, désormais le télétravail, qu’il soit effectué de façon régulière ou non, doit être soumis à la réglementation du télétravail, c’est-à-dire que le salarié, même en télétravail occasionnel, a les mêmes droits que le télétravailleur régulier. Cela résulte de la suppression du critère de régularité de la définition du télétravail (Ord. N° 2017-1387, art. 24).

II- Les obligations de l’employeur

L’ordonnance aborde également les obligations de l’employeur. En effet, elle introduit un « droit relatif » au télétravail en imposant une obligation de motivation lors d’un refus de l’employeur (1), mais en contrepartie elle est revenue sur l’obligation de prise en charge des coûts liés au télétravail, posant alors le trouble sur les conséquences pratiques de cette suppression (2).

1- Obligation de motivation lors d’un refus de l’employeur
L’ordonnance indique que : « L’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte, doit motiver sa réponse ». Il en ressort deux éléments notables.
Tout d’abord, il faut que le salarié occupe un poste éligible au télétravail pour pouvoir demander un passage en télétravail, et ainsi il appartiendra à l’accord ou à la charte de déterminer précisément des critères définissant les postes éligibles au télétravail.
Et, les employeurs ont la nouvelle obligation de motiver le refus d’un passage en télétravail à un salarié occupant un poste éligible au télétravail. L’employeur devra apporter des arguments objectifs, c’est-à-dire que ce refus ne devra pas être discriminatoire ou abusif.
En revanche, il n’y a aucun changement concernant le salarié, c’est-à-dire que ce dernier peut tout à fait refuser de faire du télétravail. Ainsi le télétravail repose toujours sur le volontariat et nécessite toujours l’accord du salarié.

2- Une prise en charge des coûts encore floue
L’obligation de l’employeur de prendre en charge l’ensemble des coûts découlant directement de l’exercice du télétravail (matériels, logiciels etc.), qui était prévue à l’article L. 1222-10 du Code du travail, a été supprimée (Ord. N° 2017-1387, art. 21).
Cependant cette suppression ne signifie pas pour autant que l’ensemble des coûts liés au télétravail sont à la charge exclusive du salarié. La prise en charge par l’employeur des coûts liés à l’exercice des fonctions du salarié reste une obligation générale dont il ne peut s’exonérer.
L’accord collectif ou la charte est dès lors libre d’organiser ou non une prise en charge des coûts et, notamment, de prévoir des remboursements sur la base de forfaits, simplifiant ainsi la gestion du télétravail.

III- Eclaircissement pour l’application de la présomption d’accident du travail

Pour rappel, conformément à la jurisprudence constante, un accident est présumé être un accident du travail lorsqu’il a lieu pendant les horaires de travail et sur le lieu de travail (Cass. Soc, 30 novembre 1999, n° 93-14.208). Mais dans le cas du télétravail, le lieu du domicile (ou autre lieu) étant le lieu de travail, il y avait des doutes sur l’application ou non de cette présomption.
Désormais le statut du télétravailleur est organisé par le Code du travail, à l’article L. 1222-9 qui prévoit que : « l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens des dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ».
Le texte clarifie donc la prise en charge des accidents subis sur le lieu où s’exerce le télétravail. Cette présomption n’aura aucune difficulté à s’appliquer pendant les plages horaires du télétravailleur dès lors qu’elles ont été bien définies et qu’elles donnent lieu à un contrôle, par le biais notamment d’un logiciel de saisie des horaires.

Pauline PREPIN
Université de Saint Quentin en Yvelines
Juriste droit social au sein du Groupe Randstad France

Rapport conjoint du 7 juin 2017 « Conclusions de la concertation sur le développement du télétravail et du travail à distance ».

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