Du devoir de loyauté du dirigeant, acte II


La jurisprudence n’en a pas terminé avec la notion de « devoir de loyauté » du dirigeant de société, notion qui ne cesse de s’étendre et de se renforcer. Ainsi, un arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2012 a sanctionné un dirigeant indélicat d’une SAS qui, manquant à son devoir de loyauté, s’est rendu coupable de la captation d’opportunité d’affaires au détriment de la société.


 

En application de la jurisprudence et notamment de la célèbre affaire « Vilgrain » [1], le dirigeant d’une société est tenu d’un devoir absolu de loyauté et de fidélité envers la société et la collectivité des associés. L’arrêt du 18 décembre 2012 [2] est ainsi venu sanctionner un dirigeant d’une SAS qui a violé son obligation de loyauté envers sa société et les associés pour avoir capté une opportunité d’affaires de celle-ci. Cet arrêt, qui s’inscrit dans un courant jurisprudentiel bien établi, est à rapprocher de celui du 15 novembre 2011 qui a fait l’objet d’un commentaire dans Le Petit Juriste [3], s’agissant d’un gérant de SARL.

Dans l’arrêt du 18 décembre 2012, des médecins ont constitué une société par actions simplifiée ayant pour objet l’exploitation d’une clinique. Toutefois, un des membres du comité de direction de celle-ci a fait l’acquisition, par sociétés interposées, de l’immeuble dans lequel était exploitée la clinique, alors qu’il avait connaissance de l’intention des associés d’acquérir en leur nom propre cet immeuble. Par conséquent, ces derniers l’ont assigné en paiement de dommages-intérêts.

Les juges du fond n’ont pas fait droit à la demande des associés puisque, selon eux, aucune faute, qu’elle soit délictuelle ou contractuelle, ne saurait se caractériser du seul fait de l’absence de transparence du dirigeant lors de l’acquisition, ni par l’indélicatesse dans son comportement, ni par la recherche à son seul profit d’une opération financièrement avantageuse. Les associés se sont dès lors pourvus en cassation.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel au visa des articles L. 227-8 et L. 225-251 alinéa 1er du Code de commerce et a qualifié l’action du dirigeant de manquement à son obligation de loyauté envers ses associés. Elle justifie sa décision au motif que le dirigeant avait laissé les associés dans une situation d’ignorance de l’opération d’acquisition pour son compte personnel d’un immeuble, alors que ces derniers entendaient l’acheter ensemble pour y exercer leur activité.

Obligation de loyauté

Il résulte de l’article L.225-251, alinéa 1er du Code de commerce [4], que le dirigeant est tenu d’une obligation de non-concurrence, d’une obligation d’information mais aussi d’une obligation de transparence, sur laquelle les juges de cassation ont fondé leur décision (faute de gestion).

Cet arrêt est novateur en ce que le fondement de la faute de gestion comme sanction de l’obligation de loyauté du dirigeant, prévu par l’article L.225-251 alinéa 1er du Code de commerce, est confirmé par la Cour de cassation. Surtout, l’obligation de loyauté viendrait s’appliquer à tous les dirigeants sociaux, puisque l’article 227-8 du Code de commerce, visé par la Haute juridiction, énonce que « les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée ».

En définitive, notons que la Cour ne vise ici que la qualité de dirigeant de la personne qui a manqué à son devoir de loyauté, et non celle d’associé. Cet arrêt s’inscrit dans la volonté de contribuer à la création d’une certaine éthique des affaires (doctrine de la Corporate governance) [5], avec pour finalité de renforcer la sécurité juridique de la vie des affaires.

Morgan Hardy

 

Notes:

[1] Arrêt de principe : Cass. Com., 27 févr. 1996, n°94-11.241, JCP G 1996 II 22 665, obs. Ghestin.

[2] Com., 18 décembre 2012, n° 11-24.305.

[3] Com., 15 novembre 2011, n° 10-15.049, voir Julien Koch, L’asymétrique exigence de loyauté à la charge des dirigeants et associés de sociétés, Le Petit Juriste, 26 avril 2012.

[4] Art. L. 225-251 C. com : « Les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion » (…).

[5] Recueil Dalloz 2012, p. 134

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