La loi de sécurisation de l’emploi : le changement c’est maintenant ?

La France est confrontée à la plus grande crise qu’elle ait connue depuis 1929. Pour sortir de la crise, une réforme du marché du travail apparait nécessaire : il faut concilier sécurité des salariés,  flexibilité, adaptabilité des entreprises et plus grand dialogue social. C’est l’ambition de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. La loi poursuit trois objectifs principaux : instaurer des nouveaux droits individuels et collectifs pour les salariés, faciliter l’accès à l’emploi et lutter contre la précarité et enfin favoriser le maintien dans l’emploi et encadrer les procédures de licenciement économique. Le texte de loi aborde des thèmes très variés et instaure un nouvel équilibre entre la sécurité nécessaire pour les salariés et les possibilités d’adaptation indispensables aux entreprises. Cette nouvelle loi s’articule autour de la notion de flexi-sécurité : il faut donner à l’entreprise la capacité d’anticiper et de s’adapter pour sauvegarder sa compétitivité, assurer la sécurité juridique et préserver les droits des salariés.

Plus de flexibilité pour les entreprises

Dans un contexte de crise qui se traduit par des destructions d’emplois massives, la loi de sécurisation cherche à maintenir les emplois avec différents outils permettant de modifier les contrats de travail par accord collectif. La loi propose ainsi des mesures supplétives aux licenciements collectifs et permet d’associer les salariés dans la recherche de solutions pour résoudre les difficultés économiques conjoncturelles que traverse l’entreprise.

  • L’accord de mobilité interne

La loi prévoit l’instauration d’un instrument négocié de mobilité interne. L’entreprise aura la possibilité de négocier un accord de mobilité interne pour anticiper des difficultés. L’accord comporte des mesures collectives se traduisant par des changements de postes ou des changements de lieux de travail et des dispositifs d’accompagnement (visant à concilier la vie professionnelle et personnelle, la formation, les aides à la mobilité géographiques…). Ces modifications du contrat de travail ne peuvent entrainer aucune diminution du niveau de la rémunération, de la classification ou de la qualification professionnelle. Si une clause de mobilité est déjà présente dans le contrat de travail, celle-ci est suspendue si elle est contraire à l’accord. L’accord pourra donc prévoir une zone de mobilité géographique plus large et permettra aux entreprises de gagner en flexibilité.

  • L’accord de maintien de l’emploi

Autre outils proposé aux entreprises : les accords de maintien de l’emploi. En cas de graves difficultés conjoncturelles, un diagnostic de ces difficultés est analysé avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. L’ouverture d’une telle négociation suppose une transparence totale de la part de l’employeur sur les informations destinées à l’évaluation de la situation économique de l’entreprise. Dans cet accord, l’employeur s’engage à préserver l’emploi des salariés pendant une durée au moins égale à celle de l’accord. En contrepartie, les salariés s’engagent à faire des concessions temporaires qui peuvent porter sur leur durée de travail, les modalités d’organisation de leur temps de travail, ainsi que sur leur rémunération. Les dirigeants, mandataires et actionnaires devront aussi être impliqués et fournir un effort proportionné à ceux des salariés.

Les salariés gardent toutefois la possibilité, individuellement, d’accepter ou de refuser l’application de tels accords. En cas de refus, leur licenciement est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique. Dans cette hypothèse, il bénéficiera des mesures d’accompagnement que l’accord doit prévoir. Une clause pénale prévoit également le versement de dommages-intérêts aux salariés lésés en cas de non-respect par l’employeur de ses engagements.

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En contrepartie : de nouveaux droits pour les représentants du personnel et les salariés

  • Transparence et information : une nouvelle base de données

Une base de données économiques et sociales consultable en permanence par les représentants du personnel devra être mise en place dans les entreprises de plus de 50 salariés. Cette base de données doit être régulièrement mise à jour et portera sur 8 thèmes obligatoires tels que les investissements social, matériel et immatériel, la rémunération des financeurs ou la sous-traitance. L’information portera sur deux années ainsi que l’année en cours et intègrera les perspectives de l’entreprise sur les trois années à venir.

  • Une participation accrue à la définition des stratégies de l’entreprise

Il était déjà acquis que le CE dispose d’une compétence consultative très large par rapport à la marche de l’entreprise. La nouvelle loi vient renforcer cette compétence avec la consultation annuelle sur les orientations stratégiques de l’entreprise. La base de données unique sera le support de préparation de cette nouvelle consultation. Le CE pourra se faire assister de l’expert-comptable de son choix. Cette consultation doit permettre une présentation pédagogique par l’employeur des options stratégiques possibles et de ses conséquences.

De plus, la loi prévoit la participation de représentants des salariés, avec voix délibérative, aux conseils d’administration (ou de surveillance) des grandes entreprises. Cette disposition concerne les Sociétés Anonymes et Sociétés en Commandite par Action dont les effectifs totaux sont au moins égaux à 10 000 salariés dans le monde ou à 5 000 en France. Le nombre de représentants des salariés sera au moins égal à deux dans les entreprises qui comportent plus de 12 administrateurs et à un dans les autres cas.  Les représentants des salariés auront le même statut et les mêmes droits que les administrateurs ou membres du conseil de surveillance (droit de vote, obligation de confidentialité, protection…). L’objectif est de favoriser la prise en compte du point de vue des salariés sur la stratégie de leur entreprise.

  • Les droits individuels des salariés renforcés

Tout d’abord, la couverture complémentaire santé sera généralisée à tous les salariés à compter du 1er janvier 2016. Cette couverture devra correspondre, au minimum, à un panier de soins minimal de 125% du tarif de la Sécurité sociale pour les prothèses dentaires et 100 euros par an pour l’optique. Le financement sera pris en charge, a minima, à hauteur de 50% par l’employeur.
De plus, suite à la perte de son emploi, le salarié conservera sa complémentaire santé et prévoyance pendant une durée de 12 mois à titre gratuit (précédemment cette durée était de 9 mois).

De plus, les parcours professionnels seront sécurisés grâce au compte personnel de formation (CPF). Le CPF remplacera à terme le droit individuel à la formation (DIF). Contrairement au DIF, les droits acquis chez un employeur seront transférables chez un autre employeur, et conservés lors des périodes de chômage. Avec le CPF, les salariés pourront accumuler jusqu’à 150 heures de formation en neuf ans, contre seulement 120 heures pour le DIF (20 heures par an pendant les six premières années, puis 10 heures par an les trois suivantes).

La loi entend également lutter contre la précarité et souhaite réformer le travail à temps partiel et le recours aux CDD. Ainsi, la durée minimale hebdomadaire de travail est maintenant fixée à 24 heures. Il est possible de déroger à cette durée minimale hebdomadaire uniquement sur demande écrite et motivée du salarié ou par convention ou accord de branche étendu. De plus, les heures complémentaires  seront mieux rémunérées et bénéficieront d’une majoration de 10% dans la limite du dixième de la durée contractuelle. Par exemple, pour un temps partiel à 30 heures par semaine, les heures effectuées entre 30 et 33 heures sont rémunérées à 110% du taux horaire de base. Le recours aux CDD, quant à lui, sera mieux encadré et les CDD de courte durée seront taxés par les partenaires sociaux.

Amélie FILBIEN

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