La notion d’achèvement revêt une importance toute particulière en droit de la construction et plus particulièrement en matière de vente d’immeuble à construire (VIC). Dans ce domaine technique, au contentieux fourni, le terme pose en effet problème, d’une part car la définition qu’il recouvre est particulièrement vaste (I), d’autre part parce qu’une véritable saga législative est intervenue en matière de constat d’achèvement, jetant le flou sur les modalités d’appréciation de l’achèvement d’une construction (II).
I. Une notion juridique bien plus large que la définition admise dans le langage courant
C’est l’article R.261-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH) qui fixe les contours de la notion juridique d’achèvement dans les deux types de contrat de vente d’immeuble à construire prévus par la loi : la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) et la vente à terme (VAT).
C’est dans le secteur protégé que cette notion va avoir le plus d’importance, car dans ce domaine, l’achèvement doit être conforme à la définition qu’en donne cet article. En revanche, il faut bien comprendre que dans le secteur libre, les parties peuvent définir l’achèvement comme elles l’entendent.
La notion d’achèvement se rapporte à l’exécution de ses obligations par le vendeur envers l’acquéreur. Cette définition est admise à la fois l’administration (Rep. Min., JOAN Q., 22 janvier 1977, p.366) et la jurisprudence.
Cette notion définie par l’article R.261-1 du CCH est remarquable pour une raison : elle diffère grandement en droit de la construction de la définition qui y est attachée dans le langage courant. Ainsi, si le mot achevé signifie pour un non juriste que plus aucune modification n’est à prévoir et que le bien est fini, en droit de la construction, il en va autrement.
En effet, l’achèvement d’un bâtiment peut être constaté alors même que ce dernier comporterait :
– des défauts de conformité, à condition que ces défauts ne soient pas substantiels ;
– des malfaçons, à condition que ces dernières ne rendent pas le bien impropre à sa utilisation.
Cette acception, qui est expressément inscrite dans le texte de l’article R.261-1 du code de la construction et de l’habitation, a également été admise par la jurisprudence à de multiples reprises (par exemple, en ce sens : Cass., 3ème Civ., 17 mars 1999, n°95-19.527).
L’achèvement ne représente ainsi que l’aptitude générale de l’immeuble à remplir sa destination et ne constitue pas une garantie de conformité de l’immeuble aux prescriptions contractuelles.
C’est lors de l’étape de réception, c’est-à-dire celle suivant l’achèvement, que peuvent être corrigés ces problèmes mineurs. C’est en effet lors de cette dernière, que le maître d’ouvrage accepte l’ouvrage réalisés par un entrepreneur, avec ou sans réserves. Si ce maître d’ouvrage constate que des finitions restent à réaliser, bien que l’achèvement ait été constaté, il pourra donc émettre des réserves, ce qui déclenchera l’obligation pour le constructeur de finaliser l’immeuble. On parle de garantie de parfait achèvement (ou « parachèvement »), prévu par l’article 1792-6 du code civil.
Il faut ici noter que cette opération se réalise d’un point de vue juridique exclusivement entre les entrepreneurs qui ont construit l’ouvrage et le maître d’ouvrage, mais l’éventuel acquéreur qui achète cet ouvrage au maître d’ouvrage n’a pas à être présent pour sa part. Ainsi, bien qu’il arrive souvent en pratique de le convier à cette réception, sa présence n’aura aucune valeur juridique (en ce sens : Cass., 3ème Civ., 4 juin 2009). A contrario, en cas d’absence, l’acte de réception ne sera entaché d’aucune irrégularité.
La réception est donc un acte unilatéral du maître d’ouvrage. Concernant cet acte, il faut préciser que même si les entrepreneurs et les travaux exécutés sont multiples, il ne sera toujours procédé qu’à une réception unique (depuis une loi 78-12 du 4 janvier 1978 et une consigne AFNORP 03001). Par ailleurs, la jurisprudence a précisé depuis longtemps qu’il ne s’agit pas simplement pour ce maître d’ouvrage de recevoir la construction, mais bien de manifester son approbation du travail exécuté (Cass., 3ème Civ., 8 octobre 1974, n° 73-12.347). En effet cette réception, met fin à la responsabilité contractuelle des entrepreneurs, en plus de transférer la garde du bien au maître d’ouvrage.
Cette précision est importante car elle correspond notamment au cas de la VIC dans laquelle le vendeur fait édifier la construction pour son acquéreur.
Dans ce montage juridique, c’est seulement au moment de la livraison que l’acquéreur interviendra et recevra son bien. Cette étape peut coïncider ou non avec la réalisation par le vendeur de son obligation de délivrance mais il s’agit bien de deux étapes distinctes juridiquement : la mise en possession est réglée par les articles 1603 à 1624 du code civil, alors que la livraison n’est régie par aucun texte et peut donc prendre une forme libre, convenue au contrat de vente : le plus couramment, il s’agira d’une remise de clés. Cette livraison, peu importe la forme qu’elle prendra, réalisera le transfert de la garde du bien à l’acquéreur et rendra exigible le solde de 5 % du prix retenu par l’acquéreur pendant les travaux en matière de VIC (article R.261-14).
Ainsi, il est particulièrement difficile de cerner les contours de la notion d’achèvement, une notion particulièrement large en droit de la construction, et qui pourraient être confondue avec de nombreuses notions voisines, qu’il convient pourtant de distinguer, car ces dernières entraînent des effets différents et interveniennent parfois entre plusieurs intervenants de l’étape d’opération.
De plus, les modalités de cet achèvement sont elles aussi entourés d’un certain flou, ayant subi de nombreuses réformes successives dans un laps de temps extrêmement court (II).
II. Le constat d’achèvement : une étape cruciale aux modalités fluctuantes ces dernières années
Avant septembre 2010, le constat d’achèvement pouvait être réalisé :
– soit par une personne désignée dans les conditions prévues pour la vente à terme, c’est-à-dire désignée par ordonnance sur requête du Président du Tribunal de Grande Instance du lieu de situation de l’immeuble, parmi les personnes que le tribunal commettait régulièrement ou parmi celles figurant sur une liste établie par l’administration comme le prévoyait l’article R.261-2 du code de la construction et de l’habitation ;
– soit par la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux réalisée par un homme de l’art et prévue par l’article L.462-1 du code de l’urbanisme.
Depuis le décret du 27 septembre 2010, publié au Journal Officiel le 29 septembre 2010, ce constat d’achèvement ne pouvait plus se faire que par une personne désignée dans les conditions prévues pour la vente à terme, qu’on vient de rappeler et qui sont particulièrement contraignantes. Les professionnels de la construction ont unanimement critiqué ces nouvelles modalités de constatation de l’achèvement et les problèmes pratiques qu’elles poseraient.
Le gouvernement a donc accepté de revenir sur ce décret du 27 septembre 2010, et ce dès le 19 mai 2011. La rectification opérée au texte de l’article R.261-24 permet que le constat d’achèvement soit réalisé :
– soit par une personne désignée dans les conditions prévues pour la vente à terme (règle du décret de 2010 maintenue) ;
– soit par un homme de l’art ou par un organisme de contrôle indépendant.
Le constat réalisé par un organisme de contrôle indépendant a d’ailleurs été rendu obligatoire si le vendeur assure lui-même la maîtrise d’ouvrage par l’article R.261-18-1).
Ce constat d’achèvement aura un effet majeur dans le domaine de la vente d’immeuble à construire puisqu’il qu’il mettra fin à la garantie d’achèvement due par le vendeur à l’acquéreur. Si l’achèvement n’est pas constaté, alors même que le bâtiment est pourtant achevé, le vendeur pourrait exiger que l’achèvement soit judiciairement constaté pour être libéré (en ce sens : Cass., 3ème Civ., 14 avril 2010).
L’achèvement est donc une notion juridique dont la définition est complexe car il faut la distinguer chronologiquement d’autres opérations, comprendre qui en sont les acteurs et enfin composer avec les fluctuations légales qui ont jeté le doute sur la personne capable de prononcer le constat de cet achèvement.