Le bénévolat comme condition de maintien du RSA

Mis en place par la loi du 1er décembre 2008[1], le revenu de solidarité active (RSA)  permet d’attribuer un revenu minimum à toute personne, résidant en France de manière stable et effective,  dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire.[2] .

Les bénéficiaires du RSA sont classés en trois  catégories par les services du département[3] :

Ceux de la première catégorie sont directement orientés vers Pôle emploi lorsqu’ils sont disponibles pour occuper un emploi ou créer leur propre activité, et doivent conclure à cet effet un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE).[4] 

Les bénéficiaires appartenant à la deuxième catégorie sont orientés vers un organisme autre que Pôle emploi, tel que la maison de l’emploi ou la mission locale. Ils concluent avec le département un contrat d’engagement réciproque (CER) orienté sur l’emploi avec le département.[5]

Enfin, les bénéficiaires appartenant à la troisième catégorie, sont ceux qui rencontrent pour la plupart des difficultés, liées  à l’accès au logement, ou à leur état de santé, faisant  obstacle à leur recherche d’emploi.

Eu égard à leur situation, ils sont accompagnés  vers un parcours d’insertion sociale.  A cet effet, ils sont  orientés vers une autorité compétente en matière d’insertion sociale (service public de l’action sociale du département,  centres communaux et intercommunaux  d’action sociale)[6]. A l’instar des bénéficiaires de la deuxième catégorie, ils doivent conclure un contrat d’engagement réciproque, cependant ce dernier sera plus axé sur l’orientation et l’insertion sociale,  que sur l’emploi.

Le Conseil départemental du Haut-Rhin avait, dans une délibération du 5 février 2016, approuvé le principe de l’instauration  d’actions de bénévolat dans le contrat d’insertion des bénéficiaires du RSA. Ainsi, ces derniers pour conserver leurs  allocations, devraient  effectuer lesdites actions auprès d’une structure telle qu’une association ou une collectivité, à raison d’une moyenne de 7 heures par semaine.

En réponse à cette délibération, le préfet avait saisi le tribunal administratif pour faire annuler cette décision qu’il estimait illégale, au motif que « le conseil départemental était incompétent pour définir une nouvelle condition d’attribution du RSA » et surtout « qu’il ne pouvait imposer des obligations aux bénéficiaires du RSA de manière unilatérale ».

Le tribunal administratif de Strasbourg [7] dans sa décision avait annulé la délibération litigieuse, au motif que le département ne pouvait soumettre, de manière générale et unilatérale, le versement du RSA à l’accomplissement des actions de bénévolat, sans que cela n’ait été débattu entre le bénéficiaire et le département au sein d’un contrat d’engagement réciproque. 

Sur appel du Département, la Cour administrative d’appel de Nancy[8] confirmait le jugement rendu en première instance. Elle avait estimé, d’une part que les termes de la délibération étaient trop généraux, et d’autre part que le bénéficiaire du RSA ne saurait se voir proposer au titre de son insertion des actions de bénévolat dès lors que ce dernier devait se consacrer à une recherche d’emploi.

Puis, à l’instar des premiers juges, elle a estimé que ces actions de bénévolat  étaient susceptibles d’être proposées par le département aux bénéficiaires de la deuxième catégorie, lorsque ceux-ci  étaient temporairement dispensés d’une recherche d’emploi.  Auquel cas, lesdites actions de bénévolat devraient avoir été préalablement débattues et figurer dans le CER.

Sur saisine du Département du Haut-Rhin, le Conseil d’État, a du se prononcer sur la question de savoir s’il était possible, pour un département, d’autoriser l’insertion d’une clause prévoyant l’accomplissement d’heures de bénévolat par l’allocataire, au sein du CER.

Par  sa décision  du 15 juin 2018[9], le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt de la Cour administrative d’appel pour erreur de droit, au motif que le contrat d’engagement prévu à l’article L262-35 du CASF,  peut prévoir, pour les bénéficiaires appartenant à la deuxième catégorie, des actions de bénévolat au titre de leur insertion.

Trois conditions sont toutefois posées par la haute  juridiction de l’ordre administratif en vue de l’insertion d’actions de bénévolat au sein du CER des bénéficiaires de la deuxième catégorie.

Dans un premier temps, le contrat conclu avec le département doit être élaboré de façon personnalisée (I), puis les actions de bénévolat doivent contribuer à une meilleure insertion professionnelle du bénéficiaire, tout en restant compatibles avec la recherche d’un emploi (II).

 

  • I. Elaboration d’un contrat de façon personnalisée

L’un des motifs invoqué par le CAA de Nancy, pour prononcer l’annulation de la délibération est l’imprécision de la catégorie de bénéficiaires RSA qui pourrait être concernée par l’accomplissement d’heures de  bénévolat.

Imprécision qui conduirait à  généraliser la réalisation de bénévolat à l’ensemble des bénéficiaires du RSA, en faisant fi de la situation particulière de l’intéressé.

Le Conseil d’Etat précise  à cet effet que les actions de bénévolat ne concernaient pas l’ensemble des bénéficiaires du RSA mais  seulement ceux, qui proches de l’emploi sont orientés vers un organisme participant au service public de l’emploi autre que Pole emploi, et qui relèvent du champ d’application de l’article L262-.35 du Code de Action Sociale et des Familles (CASF).

Ainsi, la cour souligne dans son considérant n°13 que ces actions de bénévolat ne s’adressent pas aux bénéficiaires du RSA relevant de l’article L262-36 du même code qui étant plus éloignés de l’emploi, s’inscrivent davantage dans une démarche d’insertion sociale ou de socialisation. 

Par ailleurs, les actions de bénévolat doivent être impérativement insérées dans un contrat d’engagements réciproques (CER)[10] et surtout elles doivent être librement débattues et élaborées de façon individualisée.

 

  • II. Une compatibilité avec la recherche d’un emploi et une meilleure insertion professionnelle.

La Cour Administrative d’appel de Nancy avait estimé que les bénéficiaires mentionnés à  l’article L. 262-35 du code de l’action sociale et des familles ne sauraient se voir proposer au titre de leur insertion des actions de bénévolat, car celles-ci étant incompatibles avec une recherche effective d’emploi.

Le Conseil d’Etat, dans son considérant n°13, retorque que le statut de demandeur d’emploi, sur qui pèse l’obligation de recherche d’un emploi, n’est pas incompatible avec la réalisation d’actions de bénévolat, ainsi que le prévoit, l’article L5425-8 du Code du Travail : «  tout demandeur d’emploi peut exercer une activité bénévole. Cette activité ne peut s’accomplir chez un précédent employeur, ni se substituer à un emploi à un emploi salarié, et doit rester compatible avec l’obligation de recherche d’emploi (…) »

Ainsi, le demandeur du RSA  peut se voir proposer des actions de bénévolat au titre de son insertion, cependant cela ne doit avoir pour effet de nuire à la recherche d’emploi mais doit contribuer à l’amélioration du processus d’insertion professionnelle du bénéficiaire.

L’affaire a été renvoyée devant la cour administrative d’appel de Nancy, il lui revient  de s’assurer que le dispositif mis en place par le département du Haut-Rhin respecte bien les limites  posées par l’arrêt du Conseil d’Etat.

D’autant plus que le dispositif est déjà déployé depuis septembre 2018 dans le département du Haut-Rhin, à travers des contrats d’engagement réciproque, avec près de 800 allocataires déjà engagés dans une mission de bénévolat.

 

 

Khady TOURE, étudiante du master DPSE, Ecole de droit de la Sorbonne, Université de Paris 1, apprentie à la Société Générale Insurance (SOGECAP)

 

Judith MOUIEL, étudiante du master DPSE, Ecole de droit de la Sorbonne, Université de Paris 1, apprentie chez August Debouzy.

[1]Loi n°2008-1249 du 1er décembre 2008

[2] L262-2 du Code de l’Acton Sociale et des Familles (CASF)

[3] L262-29 CASF

[4] L262-34 CASF

[5] L262-35 CASF

[6] L262-36 CASF

[7] TA de Strasbourg, 5 oct. 2016, n° 1601891 

[8] CAA de Nancy, 18 avr. 2017, n° 16NC02674, 16NC02675

[9] CE, 15 juin 2018, n°411630

[10] L262-35 du CASF

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