L’incompatibilité prononcée pour un représentant syndical au CSE déjà élu au sein dudit comité

Le 22 janvier 2020, la chambre sociale de la Haute juridiction de l’ordre judicaire s’est prononcée sur la désignation d’un représentant syndical au CSE déjà élu au sein dudit comité. En l’espèce, un syndicat a désigné le 19 novembre 2018 un représentant syndical au CSE d’un établissement d’une société. Or, le salarié dont il est question avait déjà un mandat d’élu suppléant au sein du même comité. L’enjeu est alors de savoir si un salarié élu au CSE peut-il être désigné représentant syndical au sein du même comité ?

La réponse de la Cour de Cassation :

La chambre sociale de la Cour de cassation a répondu négativement en rejetant le pourvoi. Les juges du droit ont considéré qu’un salarié ne peut siéger simultanément dans le même CSE en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant, et de représentant syndical auprès de celui-ci. Selon les juges, le salarié ne peut, au sein d’une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d’élu et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu’il est désigné par une organisation syndicale sans qu’un accord collectif puisse y déroger. Pour adopter cette décision, les juges ont également constaté l’absence de disparité de traitement entre les organisations syndicales. Cette absence de disparité résulte d’une recherche au sein de la même UES.

Au sein de l’arrêt étudié, la chambre sociale de la Cour de cassation a donc prononcé l’incompatibilité pour un membre du CSE (élu ou suppléant) d’être désigné représentant syndical au sein du même comité. En effet, les juges ont enjoint au salarié concerné d’opter entre la fonction de représentant syndical ou celle d’élu membre suppléant au comité. Par ailleurs, les juges ont même précisé qu’à défaut de choix du salarié, le mandat de représentant syndical serait caduc.

Une référence aux arrêts rendus sous l’égide des anciennes institutions représentatives du personnel :

En adoptant une telle décision, les juges du quai de l’Horloge ont fait référence aux décisions rendues postérieurement aux ordonnances Macron (2). En effet, l’incompatibilité s’appliquait eu égard au CE comme en témoigne des arrêts rendus en chambre sociale les 17 juillet 1990 (3), 25 octobre 1995 (4) et 18 juillet 2000 (5).

La solution de rejet exprimée empreinte donc ses arguments aux solutions précitées applicables aux CE. Ladite solution se fondait sur le fait qu’un représentant syndical est mandaté par son syndicat auprès du CE pour faire connaître la position de son syndicat. Pour cela, il use de son droit de prendre la parole librement mais sa voix n’est que consultative. Or, un membre élu est mandaté par les salariés et son rôle est d’assurer leurs représentations en prenant en compte leurs intérêts. Ainsi, le membre élu a une voix plus importante, c’est à dire délibérative. Cette solution s’appliquait aussi bien pour un élu titulaire que pour un élu suppléant dans la mesure où ce dernier peut être, par définition, appelé à effectuer un remplacement. En définitif, c’est la différence de rôle entre un représentant syndical dont le but est de faire connaître la position de son syndicat et un élu membre dudit comité représentant les intérêts des salariés qui fonde l’incompatibilité prononcée.

Cette solution propre aux CE a été transposée aux CSE notamment lors de la décision portée à notre étude. Les juges du droit ont alors considéré que les nouvelles règles de fonctionnement du CSE n’ont pas modifié de manière décisive les fonctions tant des membres élus que des représentants syndicaux.

Une confirmation propice au contexte électoral :

Suite à la promulgation des ordonnances Macron (2), les CSE ont pu être mis en place à partir du 01 janvier 2018 jusqu’à la date butoir du 01 janvier 2020. Dans ce contexte, une quantité importante d’élections professionnelles ont eu lieu et le contentieux lié auxdites élections sera croissant. Il convient alors pour la juridiction régulatrice d’adopter des positions claires afin de favoriser la prévisibilité de notre droit positif et la sécurité juridique des employeurs ainsi que des organisations syndicales.

Le prononcé de l’incompatibilité d’un élu membre du CSE pour être représentant syndical au sein du même comité ne constitue pas une solution nouvelle pour les juges du droit. En effet, la solution présentée constitue un rappel de la jurisprudence en date du 11 septembre 2019 (6). Le rappel jurisprudentiel constitué par la décision faisant l’objet de cet article vient donc garantir la prévisibilité juridique dans la mesure où, comme dans le cadre du CE, les juges ont affirmé une interdiction de cumul avec le CSE. Cette clarification semble convenir à un environnement électoral fleurissant et donc à une matière contentieuse grandissante.

Un ordre public consacré mais néanmoins limité :

Outre la reprise de la jurisprudence précitée (6), les juges ont posé une condition d’ordre public à l’incompatibilité prononcée en précisant la condition suivante : « sans qu’un accord collectif puisse y déroger ». En définitif, les juges ont non seulement repris une jurisprudence établie, ce qui vient confirmer cette dernière mais ils ont également glorifié la position de la Cour de cassation en venant établir une condition d’ordre public. Désormais, nul accord collectif ne saurait déroger à la règle selon laquelle un membre élu au CSE ne peut être désigné représentant syndical au sein du même comité. Le caractère d’ordre public instruit par les juges de l’ordre judicaire est à souligner tant la compétence accordée à la négociation collective est importante en matière de CSE. Cela s’illustre avec de nombreux exemples tel que l’aménagement des consultations récurrentes (6), pour n’en citer qu’un.

Nonobstant, les juges ont posé une limite à cette consécration de la règle prétorienne précitée. En effet, la condition d’ordre public édifiée pour la règle d’incompatibilité dans le cadre du CSE se trouve limitée à la condition que l’employeur ne procède pas à un traitement différencié entre les syndicats. Pour la solution exposée, les juges ont constaté que la désignation d’un élu suppléant, issu d’un autre syndicat, en qualité de représentant syndical au CSE d’un établissement de la même UES a aussi été contesté en interne. Ainsi, dans le cas d’espèce, aucune discrimination n’a été établie. Pour autant, l’ordre public instauré se trouve borné au principe de non-discrimination. Cette condition apparaît satisfaisante dans la mesure où elle vise à protéger les syndicats de toute discrimination alors même que la solution a été rendue en « défaveur » des organisations syndicales dans la mesure où le principe demeure que lesdites organisations syndicales ne peuvent désigner comme représentant syndical au CSE un élu membre du même comité.

Sources

 

Arthur Réau, étudiant en L3 droit privé à l’Université Clermont Auvergne

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