Autorisées par le législateur en 20091, les sociétés de VTC se destinaient initialement au marché du tourisme « haut de gamme ». Disponible uniquement sur commande, la prestation va au-delà de la simple course: les distinctions principales sont relatives aux modèles de véhicules en circulation et aux services proposés à bord (presse, bouteille d’eau…). D’avantage encore, les VTC se démarquent des taxis classiques de par leurs tarifs simplifiés: des prix forfaitaires régis par les articles L. 231-1 et s. du Code de Tourisme (dont la méconnaissance est punie par l’ article R. 113-1 du Code de la Consommation). Enfin, le régime applicable aux VTC présente de nombreux avantages par rapport aux taxis classiques puisqu’ils ne sont pas contraints à l’acquisition d’une licence onéreuse et bénéficient d’un régime d’auto-entrepreneur avec allègement de charges.
Ce qui a mis le feu aux poudres
C’est l’avis d’un décret par le gouvernement qui a mis le feu aux poudres. Ce décret imposait à partir du 1er janvier 2014 un délai minimum de 15 minutes (contre 7 minutes auparavant) entre la commande d’un VTC par un client et sa prise en charge effective. L’enjeu du délai réside dans le reproche fait aux VTC d’empiéter sur le territoire des taxis classiques sur le marché de la maraude: la prise en charge immédiate sur la voie publique. Cette mesure, qui ambitionne la préservation d’un monopole des taxis, a essuyé un avis défavorable le 16 décembre dernier de la part de l’Autorité de la concurrence. Celle-ci souligne qu’il s’agit de deux marchés distincts dénués de monopole: il n’y aurait donc pas de raison légale pour justifier le délai imposé par le décret. L’avis précise également à juste titre que les VTC qui ne se limiteraient pas au marché de la réservation comme l’a prévu la loi « ne relèvent pas de la concurrence mais de la fraude ». Selon l’Autorité, le décret serait contre productif puisqu’il provoquerait (au lieu de les éliminer) « des distorsions de concurrence ».
Le décret à tout de même été publié au journal officiel le 27 décembre, ouvrant la voie aux grèves et manifestations que nous connaissons, pour dénoncer notamment la concurrence déloyale des VTC, le tiers-payant ou encore une hausse de la TVA de 7 à 10%.
Le Conseil d’Etat, saisi par différentes entreprises de VTC, a décidé le 5 février dernier de suspendre en référé le décret litigieux. L’une des questions soulevées concernait le caractère « suffisamment grave et immédiat » du préjudice lié au délai imposé. C’est l’absence d’urgence qui a conduit les sages à condamner l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre des VTC. Ils ont décidé de suspendre le décret dans l’attente d’un jugement sur le fond annoncé pour la fin de l’année.
Les enjeux de la bataille juridique
L’émergence des VTC soulève des problèmes principalement externes au droit de la concurrence contrairement à ce qui a été martelé par les représentants des taxis.
Au delà du délai d’attente de 15 minutes contre productif au regard du temps (et de l’argent) perdu par les chauffeurs de VTC et des effets sur la concurrence, la question de la détermination du prix de la course au moment de la commande ou encore celle du statut du chauffeur de VTC (auto-entrepreneur ou salarié déguisé ?) devront être abordées.
Ytto EL ADEL
1. Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.
Pour aller plus loin:
– Décret n°2013-1251 du 27 décembre 2013.
– L’avis de l’Autorité : Avis du 16 décembre 2013 concernant un projet de décret relatif à la réservation préalable des voitures de tourisme avec chauffeur, N° 13-A-23.
– Ordonnance du 5 février 2014, SAS Allocab et autres, N° 374524, 374554.
– Taxis / VTC : Pourquoi l’avis de l’autorité de la concurrence manque-t-il de crédibilité? par Pierre Peyrard le 03.01.2014 (http://blogs.mediapart.fr)